Hyperstimulation ovarienne
Hyperstimulation ovarienne
Le syndrome d'hyperstimulation ovarienne (HSO) est une complication grave, potentiellement mortelle qui se déclare chez des patientes subissant des protocoles de stimulation ovarienne contrôlés. Habituellement, le classement des HSO est fait en fonction de la gravité clinique en : légère, modérée et sévère. La classification selon Golan décrit cinq degrés et trois stades, en tenant compte à la fois de l’évaluation clinique et de l’évaluation en laboratoire. Bien que la physiologie pathologique du HSO n'ait pas été entièrement précisée, on a commencé à suggérer le rôle central du système rénine - angiotensine des follicules et du facteur de croissance endothélial vasculaire (Vascular Endothelial Growth Factor - VEGF). Dans tous les cas, il semble que la perturbation initiale entraîne une cascade de processus, avec pour résultat l’augmentation de la perméabilité capillaire et la fuite de l’albumine dans les tissus interstitiels. Aujourd'hui, les facteurs de risque reconnus dans la survenance du HSO sont : des antécédents de HSO dans le passé, le jeune âge de la femme, la présence d'un syndrome d’ovaires polykystiques et des antécédents d'allergie.
La prévention du HSO ou son traitement au stade le plus précoce met l'accent sur la détermination des groupes à risque, sur le choix judicieux du protocole de stimulation, sur la nécessité d’avoir des niveaux stables d’œstradiol, sur le juste dosage de la hormone synthétique de stimulation folliculaire chorionique, sur l'administration prophylactique d’albumine et dans des cas particuliers, sur la cryoconservation d'embryons. Enfin, la gestion de l’ HSO est actuellement symptomatique et consiste à établir des paramètres de suivi, l’équilibre des liquides, la prévention de la thrombose et le traitement de l'ascite. On pense que les progrès continus réalisés dans la physiopathologie du syndrome permettront un traitement causal dans le futur, notamment avec l'utilisation d’antagonistes ou d’inhibiteurs du VEGF.
CLASSIFICATION
La classification du HSO peut se faire sur base de la durée d’apparition du syndrome. Ainsi, on peut distinguer une forme précoce due à l'administration exogène de hormone synthétique de stimulation folliculaire chorionique humaine (hCG) en vue de la maturation folliculaire finale et une forme tardive, due à la production endogène d'hCG après l'obtention d'une grossesse.(2)
Toutefois, la classification traditionnelle des HSO est basée sur la gravité de l’évaluation clinique.
- La forme légère se caractérise par une certaine pesanteur pelvienne et de légères douleurs abdominales. Les troubles gastro-intestinaux sont également légers et les manifestations systémiques inexistantes.
- La forme modérée se caractérise par une pesanteur pelvienne modérée, des douleurs abdominales intenses, des troubles gastro-intestinaux tels que des nausées, des vomissements et des diarrhées, mais surtout par des manifestations systémiques telles que l'épuisement, la déshydratation et l'oligurie.
- La forme la plus grave se caractérise par la présence de fluides dans les cavités abdominales (ascite), thoraciques (hydrothorax) et péricardique (péricardite) et des douleurs abdominales aiguës. Les troubles gastro-intestinaux sont plus graves que ceux ressentis dans la forme modérée. Toutefois, sur le plan clinique les manifestations systémiques caractérisées par une déshydratation sévère, une oligurie qui peut aller jusqu’à l’anurie, les troubles respiratoires et les épisodes thromboemboliques constituent les manifestations cliniques les plus importantes.
En fait, la classification du HSO sur base de la gravité décrit toute la gamme des manifestations cliniques du syndrome.
L’évaluation en laboratoire est caractérisée par des manifestations d'hypovolémie, comme l’hémoconcentration et la leucocytose, et des déséquilibres des électrolytiques tels que l'hyponatrémie et l'hyperkaliémie. Enfin, les formes les plus graves de ce syndrome peuvent révéler en laboratoire des insuffisances de plusieurs organes. Tentant de mettre en relation les évaluations de laboratoire et les évaluations cliniques avec la sévérité du syndrome, Golan et trois autres scientifiques ont présenté en 1989 un système de classification du HSO en vertu duquel ils distinguent 5 degrés et 3 stades de gravité (tableau 1). Le stade 1 est caractérisé par une distension abdominale qui est ressentie par environ 33% des femmes subissant des protocoles de stimulation ovarienne. Ce taux élevé du stade 1 met en évidence l’écart infime qui existe entre la stimulation ovarienne contrôlée et l’hyperstimulation ovarienne.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
Malgré le nombre important de données de recherche, la physiologie pathologique du HSO n'est pas précise, au moins en ce qui concerne les premières étapes de la chaîne physiopathologique. Dans tous les cas, il semble que la perturbation initiale entraîne une cascade de processus, avec pour résultat l’augmentation de la perméabilité capillaire et la fuite de l’albumine dans les tissus interstitiels.
Plusieurs facteurs inflammatoires ont été mis en cause dans la pathogénie du HSO, notamment l'histamine, les prostaglandines et les cytokines. Toutefois, plus les données de recherche convergent, plus le rôle central du système rénine-angiotensine ovarien et notamment le facteur de croissance endothélial vasculaire (Vascular Endothelial Growth Factor - VEGF) se précise.
Quatre données de recherche ont attiré l'attention sur le système rénine - angiotensine ovarien:
- Dans le liquide folliculaire des femmes subissant une HSO, toutes les substances du syndrome ont été identifiées, c'est à dire la pro-rénine, la rénine, l’enzyme de conversion de l'angiotensine (ECA), l'angiotensine et l’angiotensine II et l'angiotensinogène.
- L’angiotensine II, non seulement augmente la perméabilité de l'endothélium, mais aussi stimule la stéroïdogenèse.
- Les niveaux de rénine sont directement associés au déclenchement et à la sévérité de l’HSO.
- Une réduction de la fréquence des HSO a été observée avec l’administration de l’enzyme de conversion de l'angiotensine (ACE-inhibitors), qui bien sûr provoque une baisse de la production de l'angiotensine II.
Malgré la prise en compte de ces données, le système rénine - angiotensine ovarien n’a pas, jusqu’à présent, été admis comme le modèle physiopathologique dominant pour l’HSO.
D’autres données de recherche accentuent le rôle central du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF) dans la pathogenèse de l’HSO. Plus précisément:
- La production locale du VEGF a été démontrée dans l'ovaire.
- La présence du VEGF a été mise en relation non seulement avec l’apparition mais aussi la gravité de l’HSO.
- Les anticorps contre le VEGF agissent comme un élément protecteur dans l'apparition du syndrome.
- Le VEGF agit via l'oxyde nitrique (NO) et l’administration de NO-inhibiteurs empêche l’apparition du syndrome.
- Les niveaux de mRNA du VEGF et les équivalents hCG ont été mis en relation, tant de manière quantitative, que dans le temps.
En conclusion, les données de recherche semblent se rejoindre sur le raisonnement que le VEGF, une substance qui favorise naturellement la prolifération des cellules endothéliales et l'angiogenèse, (9) peut également provoquer une perméabilité accrue de l'endothélium grâce à un mécanisme NO-dépendant, mais aussi une production prévue d’hCG, des événements directement liés à l’apparition de HSO.
FACTEURS DE RISQUE
Etant donné que la physiologie pathologique de l’HSO n'est pas précisée, de nombreuses études ont été réalisées par de nombreuses équipes de recherche pour identifier les facteurs de risque dans la survenue de ce syndrome. Des études plus récentes ont révélé ou sous estimé certains de ces facteurs. Aujourd'hui, les facteurs de risque établis sont des antécédents d’HSO, le jeune âge de la femme, la présence du syndrome des ovaires polykystiques (PCO-S) et des antécédents d'allergie.
Un consensus semble s’être dessiné entre les spécialistes sur le fait que les antécédents d’HSO au cours de précédents cycles de reproduction assistée prédisposent à l'apparition du syndrome lors des tentatives futures. Dans la même logique, une jeune femme dispose d'un stock plus important de follicules à la fois quantitativement et qualitativement, ce qui cause une probabilité accrue de développer l’HSO. Le PCO-S est caractérisé par l'existence de plusieurs follicules qui sont à un stade précoce de développement. Bien que la physiopathologie exacte ne soit pas précisée, il semble que ces follicules arrivent à maturité lorsqu'ils sont associés à des doses importantes de hormone synthétique de stimulation folliculaire exogènes, avec l’apparition du syndrome pour résultat.
Enfin, dans une étude prospective récente il a été noté qu’à raison d’un taux de plus de 50% des patientes, l’apparition de l’HSO était associée à des antécédents allergiques des femmes (10) Ce résultat qui peut sembler paradoxal peut sans doute s'expliquer par la présence d'un grand nombre de mastocytes dans les follicules dominants, une observation qui implique l’existence de mécanismes immunologiques à l’hypersensibilité à la physiologie pathologique du HSO.
Des études plus anciennes avaient inclus parmi les facteurs de risque, le faible indice de masse corporelle (Body Mass Index - BMI), le protocole de stimulation ovarienne, les niveaux et le taux de croissance de l'œstradiol (E2) au cours du cycle, et le nombre et la qualité des follicules. Toutefois, les seuls résultats positifs semblent être que le syndrome est directement lié à l'administration d'hCG exogène et la façon de maintenir la phase lutéale par de la progestérone plutôt que de l'hCG a un effet préventif établi.
PREVENTION
La fréquence et la gravité des HSO rendent impératives la prévention du syndrome et son traitement aux stades les plus précoces. Aujourd’hui, la prévention de l’HSO se concentre sur six domaines principaux:
- Détermination des groupes à risque élevés
La détermination des groupes à risque élevés a été abordée dans le paragraphe précédent. Le jeune âge, le PCO-S et les antécédents d’HSO lors de précédentes grossesses constituent des points qu’il faut examiner avant le choix de n’importe quel protocole de stimulation ovarienne. - Choix du protocole de stimulation
Le point le plus important à retenir lors de la sélection du protocole de stimulation ovarienne est qu'il n'existe pas de protocole qui réduise à zéro le risque d’HSO. En tout cas, le blocage ovarien par agoniste de la GnRH, l'utilisation de hormone synthétique de stimulation folliculaire à faible dose et le choix d’un protocole, « step-up » sont des mesures appropriées, en particulier pour les femmes du groupe à haut risque. La condition physique générale et un examen gynécologique devront être faits par échographie et en fonction de la détermination des niveaux de base d’ E2. Dans un cycle classique de stimulation par les hormone synthétique de stimulation folliculaire, la plupart des cliniciens recommandent de refaire des échographies le 4ème et le 9ème jour. Tant l'échographie, que les niveaux de E2 doivent être contrôlés quotidiennement si le diamètre du follicule dépasse 14 mm ou le E2 à 2000 pg / ml. - Recherche de la stabilité des niveaux de E2
Lorsque la patiente présente des signes para-cliniques précoces d’HSO il est alors possible de tenter de réguler la dose des médicaments stimulants afin que l’E2 n'augmente pas. L’expression « Follicular coasting » fait référence à l'arrêt des médicaments au milieu du cycle ou le report de l’administration d'hCG et se fait dans le même but. Enfin, l'abandon du cycle reste la meilleure façon d'éviter les pires formes de HSO. - Dosage de l’hCG
Lorsque la patiente révèle une HSO de grade 1, la réduction de la dose d'hCG ou l’annulation totale de son administration sont des traitements thérapeutiques à l’essai. - Administration prophylactique d'albumine
En présence de signes d’HSO, il a été proposé par plusieurs chercheurs, l'administration prophylactique de l'albumine pendant le prélèvement des ovules. - Cryoconservation d’embryons
Enfin, en cas de survenance de graves signes d’HSO après avoir pris les ovocytes, ce qui rend difficile la poursuite du cycle, on peut appliquer dans les centres expérimentés et les infrastructures, la cryoconservation d'embryons et le transfert des embryons au cours de la phase d’ovulation d’un cycle prochain.
TRAITEMENT
Le traitement de l’HSO de phase 1 ne se fait pas dans un contexte hospitalisé. Dans la plupart des cas, il suffit de rassurer le patient et de l’informer sur la nature de ce syndrome. Le repos est recommandé afin d’éviter le risque de torsion des ovaires. L’administration de paracétamol peut soulager la douleur pelvienne. Concernant les HSO de grades 2 ou 3, le point crucial est l’admission ou non à l’hôpital. Si la patiente est traitée hors de l’hôpital, une surveillance clinique et en laboratoire ainsi que des échographies sont pratiquées quotidiennement. La patiente doit se reposer suffisamment et s’hydrater avec plus de 1000 ml par jour (17). De plus, elle devra observer un certain équilibre des liquides.
Les critères d'hospitalisation varient considérablement en fonction de l'expérience locale (tableau 2). A partir du moment où la décision de traitement de l’HSO à l'hôpital est prise, la patiente doit être placée sous une surveillance systématique. Les signes vitaux sont enregistrés toutes les 4 heures tout comme l'équilibre des liquides. Le poids et la circonférence de l'abdomen sont contrôles quotidiennement. La surveillance de base des paramètres hématologiques et biochimiques est répétée tous les matins. L’hématocrite est contrôlé initialement toutes les 4-8 heures, puis est adapté aux cas particuliers. (18) Au contraire, pour le temps de prothrombine (PT) et le temps de céphaline (PTT) la mesure initiale est généralement suffisante. Enfin, la durée de l'échographie de l’abdomen est adaptée à chaque patiente.
Le traitement à l'hôpital permet l'hydratation par voie intraveineuse avec des solutions cristalloïdes. L’utilisation de l'albumine et du furosémide n'est pas universellement admise et, dans tous les cas doit être faite avec beaucoup de soin. Pour la prévention de la thrombose des bas de contention peuvent être portés et de l'héparine est administrée à une dose de 5.000 U par voie sous-cutanée deux fois par jour. Une distension abdominale douloureuse et la présence de troubles des fonctions respiratoires et rénales constituent des indications pour la ponction.
En cas d’HSO en phase 4 ou 5, l’admission en Unités de soins intensifs peut être estimée nécessaire. Les troubles de la fonction rénale sont d'abord traités par dopamine, et si nécessaire par dialyse, la fonction respiratoire avec des ponctions thoraciques et par respirateur et les événements thromboemboliques par traitement anticoagulant systémique. Dans tous les cas, le médecin ne doit pas oublier la possibilité d'une grossesse, surtout lors de la réalisation de radiographies ou la rédaction d’ordonnances prescrivant des médicaments. Les complications d’HSO après l'implantation sont toujours possibles et il ne faut pas exclure une telle possibilité en raison d’une amélioration clinique transitoire après la stimulation ovarienne. Enfin, l'interruption de grossesse dans les cas graves d’HSO est toujours l'option thérapeutique ultime.
CONCLUSIONS
Le syndrome d’hyperstimulation ovarienne est une complication iatrogène potentiellement mortelle. (22) Pour ces deux raisons, les médecins qui prescrivent des médicaments pour provoquer l'ovulation, quelle que soit leur spécialité, doivent parfaitement maitriser la physiopathologie, la classification, les facteurs de risque, la prévention et, bien sûr, le traitement de l’HSO.
Le traitement du HSO est actuellement symptomatique et consiste à établir des paramètres de suivi, dans le respect de l'équilibre des liquides, dans la prophylaxie de la thrombose et le traitement de l'ascite. Il est estimé que les progrès continus dans la physiopathologie du syndrome permettront de rendre le traitement causal et donc par conséquent plus sûr et plus efficace, notamment par l’utilisation d’antagonistes ou d’inhibiteurs de la composition du VEGF.